Xavier ROMON Auteur

Xavier ROMON  Auteur

Pourquoi, suite à des traumatismes violents, certains sombrent dans la dépression et un mal-être qui semble inéluctable et peut même mener au suicide ? Comment peuvent-ils en sortir ?

(suite de l'article 1). 

Chez les sujets sensibles, pour ne pas souffrir face à des circonstances trop violentes, le cerveau décide d' 'oublier', de ne pas voir consciemment le choc ou l'évènement traumatisant. C'est ce qui explique que dans beaucoup de cas de viols, ce n'est que 20 ou 30 ans plus tard que la victime réalise les faits et commence à en parler autour de lui. C'est ce qui explique aussi que ceux qui ont connu une peur violente, des actes de guerre, des génocides ou des attentats souffrent tellement qu'ils ne veulent plus en parler, ni même s'en souvenir.

Dans les cas graves (accident violent, meurtres, explosions, viols, attentats, etc…), le traumatisé va peu à peu s'enfoncer dans une dépression dont il n'arrive pas à sortir, et dont il ne comprend pas les ressorts. Il sait très bien qu'il a vécu un choc qui l'a marqué, et que ce choc appartient au passé, mais c'est comme si les effets négatifs se poursuivaient inéluctablement malgré lui. Il se sent 'marqué' par l'évènement passé, son esprit souffre de manière obsessionnelle, et cela peut aller jusqu'au suicide. Les médicaments et la psychothérapie ne font pas grand-chose. Pourquoi ce mécanisme et comment s'en sortir ? C'est ce que je décris dans cet article, qui résulte de l'observation de nompbreux sujets et pourra aider ceux qui souffrent de chocs passés à enfin s'en sortir. 

 

L'explication vient de l'aspect soudain et violent du choc. Pour éviter de revivre cela, il se crée dans le cerveau une sur-vigilance permanente et inconsciente (le cortex surveille en permanence avec terreur que l'évènement ne va pas se reproduire). Cet état d'alerte, qui s'installe au plus profond de l'inconscient, devient un mode de fonctionnement permanent. Il est totalement épuisant, car il place, le corps et l'esprit en état de tension permanente et d'angoisse, sans raison apparente. Le sujet est tendu, jour et nuit, dans la surveillance inconsciente et la crainte redoutée de la résurgence du drame vécu. Cela empêche un état de fonctionnement normal du reste du cerveau. Cela empêche d'être calme. Cela empêche d'agir et d'être heureux. Pour cesser cette sur-vigilance, cet état d'alerte, cette tension et cette peur permanente, il est nécessaire de bien rendre conscient à chaque instant, cet état de sur-vigilance, et de réaliser qu'il n'a plus de raison d'être. Il est né d'un traumatisme passé qui n'a plus lieu, il faut calmer son esprit et relativiser l'importance de l'évènement traumatique.

C'est par la psychothérapie que le sujet peut reprendre la pleine conscience de l'évènement, et du fait qu'il a généré une peur permanente, une mise en alerte de tous les sens, une crainte généralisée que cela ne se reproduise. Cela va améliorer les choses, mais ce n'est pas suffisant. Car, dans les cas graves, ce n'est pas seulement un blocage sur le passé qui pose problème, ni même l'occultation consciente des faits, mais c'est un blocage du FUTUR qui commence à détruire la vie au quotidien. Quelque part, le cerveau du traumatisé se dit « Je ne veux plus jamais revivre ce que j'ai vécu. Cela ne doit plus se reproduire ». Plus qu'une peur du futur, c'est un REFUS du futur qui s'installe. Or il est impossible de bloquer le futur, à moins de ne plus vivre du tout. C'est ce qui explique la dépression, l'enfermement, et l'apathie grandissante. Pour ne pas revivre à nouveau le choc dramatique, le sujet décide inconsciemment de ne plus prendre aucun risque, de ne plus être en contact avec les autres, de s'enfermer, et finit par bloquer toute sa vie sur les sujets liés à l'évènement traumatique. Il ne peut plus envisager d'avenir du tout. Il n'est plus seulement dans la crainte de ce qui va arriver, mais dans le refus de vivre ce qui vient. Cela peut mener à un état dramatique de blocage temporel, proche de la schizophrénie. Car il n'est pas possible d'arrêter le temps, d'arrêter la vie. Pour éviter de revivre le pire, le traumatisé décide de ne rien vivre du tout. Pour résoudre ce problème gravissime, il faut que le sujet, toujours via la psychothérapie, prenne conscience de ce blocage du au choc, et s'ouvre à nouveau à l'avenir. En acceptant à nouveau de vivre, d'aller vers le futur quel qu'il soit, tout peut rentrer dans l'ordre. Le sujet doit donner moins d'importance au risque, à la possibilité, que le choc se reproduise à l'avenir. Il doit comprendre que personne ne peut empêcher un évènement dramatique de se produire. Ils sont en général indépendants de notre volonté et de nos actes. Ils dépendent du hasard. Donc inutile de rester paralysé dans la crainte de leur occurrence, on n'y peut rien. Et si l'évènement se reproduisait, quelle importance ? Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. L'ayant déjà vécu une fois, le patient sait qu'il peut le surmonter à nouveau. C'est en réintroduisant cette vision positive du futur, en travaillant l'acceptation de ce qui vient, bon ou mauvais, et non en s'étendant sur la compréhension du passé, que le traumatisé va pouvoir revivre normalement, et tourner la page des chocs passés pour avancer de nouveau avec confiance dans sa vie.

Concrètement,  suite à un traumatisme violent, ou au stress répété , les circuits de traitement des émotions du cerveau (qui 'bloque' la réalisation consciente des chocs qu'il ne supporte pas) se perturbe et aboutit à un déséquilibre extrêmement difficile à comprendre (En gros, un choc provoque des troubles psychiques qui perdurent et s'aggravent, alors que la cause de ces déréglement, le choc, n'est pas réalisée consciemment, ce qui crée une confusion totale chez le sujet sur l'origine de ses troubles)

. Le circuit primaire de traitement des émotions est sur-actif. Les amygdales sont sur-sollicitées. Seul le mode de réaction instinctif, corporel, à fleur de peau, est en jeu pour faire face aux émotions, aux problèmes de la vie et pour réagir à l'environnement. Ces modes de réaction tournent en boucle dans le cerveau et l'épuisent. L'hypophyse secrète en permanence des hormones d'alerte, tout le corps est tendu. Le sujet est en réaction directe avec ce qui l'entoure, sans rien analyser, relativiser, ni calmer. Les muscles sont sans cesse tendus, le visage crispé, les mâchoires serrées, la respiration est mauvaise, le cœur bat vite, la tension est forte, la tête fait mal, les nerfs souffrent, le corps est agité. Le fonctionnement rationnel du cerveau, et l'intelligence restent intacts. Mais c'est le cerveau émotionnel qui s'épuise, et fatigue l'esprit et le corps.

A la moindre contrariété, et même à la moindre pensée d'un problème possible, ce circuit primaire entre en surchauffe. Tout s'emballe, tout devient exagéré et tourne en boucle dans l'esprit. Cela se traduit par de la nervosité, de l'agitation, des tremblements, la peur des autres, une angoisse permanente (ex : la peur du Dimanche soir, due à la pensée de reprendre le lendemain le travail), ou des crises de panique, sans raison objective, de la colère, la peur d'agresser les autres, l'irritabilité, l'impatience, l'impossibilité d'attendre, la frustration de ne pas avoir immédiatement ce qu'on veut, la dépendance … et bien sûr, la souffrance et la fatigue incessante. La vie est alors un enfer. Il n'y a plus de place pour la joie, le plaisir, ni le rapport aux autres.

. Le circuit secondaire de prise de conscience et de régulation des émotions ne fonctionne plus correctement. L'hippocampe est bloqué par l'excès de glucocorticoïdes, l'hypothalamus et le cortex frontal s'atrophient et ne jouent plus leur rôle pour évaluer, situer, relativiser et clore les émotions, ni pour s'engager dans l'action et envisager le futur positivement. Dans les cas extrêmes, il se produit une sensation de dématérialisation (vision des choses en '2D'), il n'y a plus d'émotions de plaisir même dans les situations heureuses, et l'on ne peut plus inscrire ses actions dans le temps. Les ressentis et les émotions positives sont étouffées. Le rapport aux autres et à la vie, devient appris, fonctionnel, comme si l'on était spectateur de sa vie et non acteur. Tout devient difficile, même les choses les plus banales. Il n'y a plus de spontanéité. Il faut tout programmer. On ne fait plus rien par envie, mais par devoir. Il en résulte un état semi-dépressif, avec le sentiment de n'avoir aucune valeur, d'être voué à l'échec et au malheur, et l'impossibilité d'avoir une vision optimiste du futur. On se force à apparaître' normal'. On désire avant tout être seul et enfermé.

Ce double déséquilibre, tant qu'il n'est pas rompu, se consolide et se cristallise, de sorte qu'il génère un état 'anormal' et une souffrance permanente, totalement inexpliqués, ce qui renforce l'angoisse. Les crises de panique, proche d'un état de folie, sont elles-mêmes une source de choc et de stress qui amplifient le phénomène, avec une interrogation permanente du cerveau conscient, qui ne trouve jamais de réponse, et accélère le cercle vicieux du déséquilibre: « Mais qu'est-ce que j'ai ? Qu'est ce qui m'arrive ?  Suis-je fou ?»

 

Voir prochaine article sur comment tenter de rétablir son équilibre après un choc.



17/08/2012
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